« Tout le monde connaît l’utilité de l’utile, mais personne ne sait l’utilité de l’inutile », disait, depuis l’antiquité, Zhuangzi, penseur chinois. Ce cogito philosophique semble avoir beaucoup inspiré Karim Arfa, trentenaire, originaire de Siliana, l’incitant à être solidaire à sa manière. En cette période de pandémie, où l’homme a plus que jamais besoin de l’homme, ce jeune ambitieux, peintre de formation, est parti de ses propres moyens pour devenir un modèle de citoyen humaniste. Son esprit de volontariat l’emporte.
Il y a deux ans, en visitant une école dans l’une des zones reculées de Kesra à Siliana, une idée vint à la tête de Karim Ben Arfa : « Pourquoi ne pas recycler les déchets en fer rejetés et entassés en grande quantité en milieu scolaire. D’autant plus que ces ferrailles (chaises, bancs…) peuvent être revalorisées, puis réutilisées…», nous raconte-t-il.
Ainsi étaient ses premiers pas avant de donner corps à son initiative salutaire de monter son propre atelier des travaux publics, basé à El Mourouj, un des quartiers de Ben Arous dans le Grand Tunis. Qu’en est-il au juste ?
Dès la propagation du coronavirus, Karim n’a pas hésité à répondre présent pour aider son pays. Il a agi en membre actif de la société civile dans sa région. Tout se prépare dans son petit atelier, créé à peine deux ans. Tables, bancs ou chaises, toutes ces ferrailles triées et collectées dans les écoles et collèges sont bien entretenues et retapées à neuf. Pour lui, un tel travail vaut bien le coup : «D’où, je me suis décidé à redonner vie à ces anciens meubles scolaires, à même d’en profiter pour contribuer, un tant soit peu, à la lutte contre ce virus gravement contagieux ». Pour y arriver, chacun doit faire de son mieux. Bénévolement ! Et c’est ainsi que ce jeune homme, ne serait-ce qu’un parmi d’autres jeunes créateurs, avait donné l’exemple.
De l’appui et de l’encouragement
En cette crise sanitaire, où pareils gestes font la différence, Karim n’a pas manqué d’emboîter le pas à ses pairs généreux. Ceux qui n’ont pas lésiné sur les moyens pour faire preuve de génie et de citoyenneté. Lui et ses trois ouvriers ont pu transformer des meubles scolaires, aussi usés soient-ils, en des fontaines en couleurs vives et gaies installées à l’entrée de certaines communes, à savoir, Raoued, La Soukra à l’Ariana, mais aussi dans d’autres localités à Siliana, sa ville natale. Ces fontaines, mises en place en guise de dispositif de protection contre le coronavirus, sont équipées de papiers d’hygiène et de savon pour se laver les mains. A cela s’ajoutent des bennes à ordures mis à disposition du grand public. Tout est fabriqué à base de déchets en fer revalorisés. L’utilité de l’inutile, pour ainsi dire.
Pour Karim, cette activité de recyclage tire son efficacité de ce qu’elle apporte en termes d’emplois et de valeur ajoutée à la fois économique et écologique. Son œuvre de solidarité fut, ces derniers jours, un sujet d’actualité auprès de plusieurs médias locaux et internationaux. Soit une expérience novatrice qui a fait parler d’elle-même. Au point qu’elle a suscité l’intérêt du ministre de la Santé lors de sa récente visite au marché de gros à Bir El Kasâa, là où une de ces fontaines précitées a été posée. « Je me mets volontairement à la disposition de mon pays… », a-t-il écrit, fièrement, sur sa page facebook.
Par ailleurs, il n’a demandé à l’Etat que l’appui et la motivation. La même demande pour le reste de nos jeunes créateurs. Car la Tunisie post- corona ne serait plus celle d’avant, prévoient nos stratèges économiques. Cela dit, les crises cultivent l’impératif de compter sur soi et rejettent la mentalité d’assisté.